Afôlilê ( L'ADULTÈRE ) AU BENIN COMMENT C'EST PERÇU
Cérémonie Afôlilê face à l'adultère: un rite socio-anthropologique qui préserve
la cohésion familiale. Les sociétés traditionnelles du Bénin, et
particulièrement celle des Fon d’Abomey, sont confrontées aux défis de la
modernité, qui bouleverse les structures familiales et les valeurs ancestrales.
L’adultère, même s’il est rare et sévèrement réprimé, constitue un phénomène
réel qui fragilise l’unité des couples et menace la stabilité de la famille.
Face à cette déstabilisation, la tradition Fon a mis en place des mécanismes de
régulation et de réintégration sociale basés sur des rites de purification
appelés « Afolilè » [lavage des pieds]. Son objectif est de redonner vie à la
cohésion familiale. L’adultère, considéré comme l’apanage des hommes, existe
également chez la gente féminine, même si c’est dans une moindre mesure. Cette
infidélité est perçue comme une faute grave qui non seulement rompt le contrat
matrimonial, mais peut aussi avoir des conséquences mystiques dévastatrices sur
la santé et la prospérité du foyer.
Le dicton fon selon lequel «même si le monde
s’écroule, il n’entraîne pas dans sa chute le Hinnou (la famille)», souligne
l’attachement de cette société à la pérennité de la cellule familiale. Pour se
prémunir contre cette menace, la tradition Fon a développé des mécanismes de
protection et de détection. Le fétiche Minonnan, par exemple, est implanté à
l’entrée de certaines concessions comme un ange gardien des femmes. Selon la
croyance, d’après une étude qualitative menée par Charles Lambert Babadjide ,
enseignant en Sociologie-Anthropologie à l’Université d’Abomey-Calavi , si une
femme commet l’adultère, ce fétiche se transformerait en une bête féroce ou en
un grand arbre pour l’empêcher d’entrer, la poussant à crier et à avouer sa
faute. En cas de silence, la femme qui continue de cuisiner pour son mari après
avoir commis l’adultère s’expose à des malédictions, entraînant la maladie du
mari, des problèmes de fécondité, voire la mort des enfants. Dans ce contexte de
suspicion et de malheurs inexplicables, le Fâ intervient comme un guide
spirituel et un éclaireur. Considéré comme le messager entre Dieu et les hommes,
le Fâ est un pouvoir divinatoire qui révèle la faute commise et l’identité du
coupable, même en cas de déni. C’est généralement lorsque les premiers signes de
malheur apparaissent que le couple consulte un Bokônon (prêtre du Fâ) , qui, à
travers ses révélations, incite la femme à faire ses aveux pour sauver sa vie et
celle de sa famille. Une fois l’adultère publiquement reconnu, la voie de la
réconciliation s’ouvre, à travers le rituel de purification Le rite Afôlilê
[lavage des pieds] La cérémonie de purification est un processus long et
codifié. Elle commence par l’aveu de la femme à son mari, qui, s’il choisit de
la garder, informe le chef de collectivité (hinnouto ou hinnougan). La femme
prêtresse de la maison, la Tangninon, intervient ensuite pour établir la liste
des ingrédients nécessaires à la cérémonie, que la femme coupable doit
obligatoirement payer elle-même, l’époux ne pouvant lui donner l’argent main à
main avant sa purification. Le jour de la cérémonie, une séance familiale
extraordinaire est convoquée. La femme adultère doit faire un aveu public devant
les siens, en citant le nombre d’hommes avec qui elle a couché, en dehors de son
mari (Assouhiha) et en promettant de ne plus recommencer. Les membres de la
famille lui prodiguent alors conseils et réprimandes. Il est à noter que le mari
n’est pas épargné par ce rite : s’il a eu des rapports avec sa femme après son
forfait (souvent inconsciemment), il est symboliquement frappé avec des rameaux
(Azan) devant la famille. L’étape la plus symbolique se déroule dans la forêt
sacrée de la collectivité, le Toxwyô Zoumè. C’est un lieu de rencontre entre les
vivants et les ancêtres de la collectivité. La femme y remet tous les objets
qu’elle portait le jour de l’adultère (vêtements, perles, bijoux, dessous), au
représentant du Toxwyô (Toxwyônon). Le sang d’animaux immolés est ensuite versé
pour implorer la clémence des ancêtres. Le Toxwyônon prépare une tisane à base
de feuilles sacrées que la femme utilise pour sa toilette intime et un rasage de
ses cheveux et de son pubis est effectué. À la sortie de la forêt, la femme est
considérée comme purifiée et exempte de péché aux yeux des ancêtres. Les signes
des cauris jetés par le Toxwyonon devant le chef de la collectivité et sa cour
doivent correspondre à ceux obtenus dans la forêt pour confirmer que la grâce a
été accordée. La cérémonie se termine avec l’instruction au mari de donner à la
femme de quoi cuisiner et la famille partage un repas préparé par la purifiée le
soir même. La paix est ainsi restaurée et la vie conjugale peut reprendre son
cours normal. Le sens profond de Afôlilê Ces rites de purification, bien que
spécifiques aux Fon d’Abomey, sont des stratégies culturelles pour maintenir la
stabilité du couple et la cohésion familiale. En comparaison avec d’autres
ethnies béninoises, comme les Wémènou d’Avagbodji , les rituels diffèrent dans
leur exécution, mais l’objectif reste le même : rétablir l’ordre social. Loin
d’être des pratiques archaïques, ces rituels témoignent de la sagesse endogène
des cultures africaines et de leur attachement à leurs valeurs fondamentales,
offrant une seconde chance à la femme adultère pour regagner sa dignité et sa
place dans le foyer aux côtés de son mari pour assurer l’éducation de ses
enfants. Le Afolilè concerne les femmes qui sont légalement mariées selon la
tradition (dot). Cette cérémonie ne concerne pas les femmes que l’on rencontre
au dehors, sans encrage familial. «Il faut avoir mis le pied dans la maison
avant que l’adultère (Afodogbé) ne le remette dehors». C’est pour cela qu’il est
vivement conseillé de présenter sa compagne à la divinité Toxwyo de sa lignée.
Enfin, il faut préciser que, même si le Afolilè permet à la femme adultère de
regagner son foyer, il constitue une cérémonie de honte pour la femme qui doit
publiquement avouer son adultère devant femmes, hommes, jeunes et enfants. La
meilleure chose à faire, c’est d’éviter l’adultère. Ainsi, le Afôlilè ne sera
qu’une exception.
Ceci est à prendre au sérieux.
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